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l’alimentation dans la spiritualité
Comment un docteur de l’Eglise comme Sainte Hildegarde intègre l’alimentation dans la spiritualité?
Introduction
« Les conditions requises pour devenir docteur de l’église, d’ailleurs toujours à titre posthume, sont:
- être un saint canonisé,
-avoir élaboré une pensée de la foi en accord avec les principes de base de l’Église tout en découvrant un pan inexploré de l’écriture se vérifiant comme fondamental par son influence auprès des fidèles et par une renommée internationale. » (église catholique.fr)
"En raison de la réputation de sainteté de Hildegarde de Bingen, reconnue et célébrée par le peuple fidèle, la valeur de ses traités et de son enseignement remarquable, reconnue au XIIe siècle par le pape Eugène III, et en accord, la Congrégation pour la Cause des Saints a été reçue le titre de 'Doctoris Ecclesiae universalis' à Sainte Hildegarde…
Cette femme éminente par la sainteté de sa vie et l’originalité de son enseignement, sa théologale authentique, son autorité dépasse vraiment le cadre d’une époque et d’une société, et abstraction faite de la distance chronologique et culturelle, sa pensée apparaît toujours actuelle".[1]
Il s’agit d’un maître éminent en théologie, et d'autres disciplines à laquelle ont été consacrées des études nombreuses et reconnues, La quatrième femme Docteur dans l'histoire de l’Eglise.
Sainte Hildegarde n’a évidemment pas été proclamée docteur de l’église pour son enseignement sur l’alimentation. Cependant il s’intègre parfaitement dans l’ensemble de ses écrits et du message que le Seigneur nous fait passer à travers elle.
1.L'unité fondamentale du corps et de l’âme
Le principe fondamental de l'enseignement de Sainte Hildegarde sur l'alimentation repose sur cette vérité :
« Le corps et l’âme sont ensemble et se fortifient l’un et l’autre »[2]
2.Le péché originel et l’alimentation
Il est intéressant de voir que le « causae et Curae » ou le « Physica » ne sont pas les seuls livres à traiter de l’alimentation. Le Livre des Mérites de la Vie, le 2e livre de son triptyque de Théologie, en fait aussi mention et non de moindre importance. Elle nous explique pourquoi il est si important d’intégrer ce pan de notre vie pour le bien de notre vie spirituelle.
« Le péché originel est venu par la nourriture qui a changé la nature bienheureuse de l’homme en condition mortelle. Par cette nourriture la bonne science s’est endormie et la mauvaise science est venue par un autre chemin… »[3]
« En se servant de la nourriture, le diable a ainsi forgé un grand mensonge par lequel il a contesté Dieu et sa justice. C’est ce que font tous ceux qui remplissent voracement leur ventre d’un excès de nourriture et de vin. Les excès de table rendent les fils des hommes menteurs, tricheurs, niant la vérité. » [4]
3.La progression des vices liés à la nourriture
Dans le Livre des Mérites de la Vie, Sainte Hildegarde met en vis à vis 35 vices et vertus avec 5 chefs de files desquels découlent les suivantes. Ainsi, elle nous explique comment notre rapport désordonné à la nourriture conduit à la perte de notre âme en une suite logique de vices.
« Le diable persuade l’homme de descendre des désirs du ciel à ceux de la terre…car il fait tous ses efforts pour amener l’homme à oublier Dieu… il frappe les hommes en les empoisonnant par la gloutonnerie…le diable, persuadant d’abord les hommes de céder à la goinfrerie, les prends ensuite plus facilement dans le filet des autres vices …la gloutonnerie exalte à contre sens, dans l’esprit des hommes, la volonté individuelle selon une puissance illusoire: quand ils ont rempli leur ventre, ils commencent à s’enorgueillir comme s’ils avaient tous les biens. »
« L’agressivité fait suite ici à la gloutonnerie : quand l’homme s’est trop chargé par voracité, il rencontre l’acerbité et l’amertume dans l’excès de nourriture, comme l’hiver succède à l’été. »
« L’impiété vient après l’agressivité. Quand la hargne est dans l’esprit des hommes, l’impiété s’y ajoute et ne laisse intacte aucune joie venant des biens du Seigneur, mais elle saccage tous ces biens autant qu’elle peut. … elle repousse la vraie doctrine, la bonté, l’obéissance et la soumission a Dieu et elle manque absolument de juste bonté. »
« La fausseté accompagne l’impiété; quand un homme est impie, il en vient à mentir, il trame toute espèce de mensonge au mépris de la vérité. »
« Le conflit fait suite à la fausseté : quand un homme est menteur, il court à la dispute, si bien que chacun, par la ruse et l’injustice, se querelle avec son frère en trichant. »
« La frustration: parce qu’après le conflit vient la bougonnerie qui éloigne de tous les biens venant de Dieu… la bougonnerie est à l’écart de toutes les vertus divines et n’a aucune clarté. »
« La démesure accompagne la frustration, fort à propos. Quand un homme est rebelle aux biens de Dieu, aussitôt il développe le dérèglement dans tous les domaines. »
« La perdition des âmes suit la démesure. Celui qui repousse Dieu par dérèglement court visiblement à la perte de son âme. »[5]
4.La pratique des vertus pour sanctifier notre rapport à la nourriture
1. La modération
La modération est la vertu à cultiver avec la sobriété, l’abstinence et la tempérance pour faire diminuer en nous les vices de la gloutonnerie, la gourmandise, la goinfrerie, la voracité ou la boulimie
« Que les hommes fassent donc preuve d’une grande et convenable modération dans leurs nourritures, puisque c'est par la nourriture que le vieil ennemi a trompé l’homme pour la première fois, à cause de son gosier vorace. Quand l’appétit humain réclame sa nourriture, aussitôt se présente la gloutonnerie, par laquelle il remplit son ventre de nombreuses nourritures, et quitte le chemin de la bonne connaissance pour l’erreur… »[6]
Pourtant la gloutonnerie dit:
« Dieu a tout créé. Et pourquoi devrais-je me morfondre parmi ces biens ? Si Dieu ne savait pas qu’ils sont nécessaires, il ne les aurait pas faits. Je serais bien sot de ne pas les désirer, quand Dieu a voulu que la chair ne manquât pas à l’homme. »
Mais la tempérance (moderatio) lui répond:
« Toi, goinfre, tu remplis tellement ton ventre que tes veines en sont malades jusqu’à la folie. Où est alors le doux son de la sagesse que Dieu a donné à l’homme? … Comme une pluie violente emporte la terre, ainsi l’excès de viande et de vin entraîne l’homme au blasphème et à la moquerie… Je suis donc une pluie modérée, pour que la chair ne pullule pas de vices. Je recommande aux hommes la tempérance, afin que leur chair ne dépérisse pas et ne grossisse pas pour avoir ingurgité plus de nourriture qu’il n’est nécessaire. »
La voracité nous entraine donc au blasphème et à la moquerie, elle nous empêche d’entendre le doux son de la sagesse que Dieu a donné à l’homme, conduit à la folie et aux vices et fait dépérir notre corps.
Dans sa grande bonté Dieu nous conduit et nous enseigne très concrètement:
« L’homme qui veut manger de la viande en mangera avec modération, après l’avoir fait cuire avec de simples assaisonnements. »[7]
dans la quantité, la simplicité de l’assaisonnement mais aussi dans la température des aliments: ni trop chauds ni trop froids.
« En toute saison, il faut prendre garde à ne pas manger des aliments bouillants ou encore fumants, sous l’effet de leur vapeur; après qu’ils ont été cuits, il faut attendre jusqu’à ce que l’ébullition et la fumée de la vapeur s’en aillent, car s’il les avalait bouillants et fumants, ils gonfleraient son ventre et feraient facilement naître la lèpre en lui. »[8]
La modération est une vertu puissante qui restaure en nous l’unité corps âme et esprit.
« C’est que la modération regroupe en l’homme la force, elle maintient tout ce qui permet la justification, elle est entourée du mouvement des soupirs des bonnes pensées, elle rassemble les forces intérieures de l’âme par la plénitude, en les maintenant pour la perfection du salut: ainsi elle nourrit dans la sainteté le corps tout autant que l’âme, dans l’homme tout entier. » [9]
2. Le discernement
Le discernement est la vertu à cultiver avec la clairvoyance, le jugement, le bon sens, la compréhension, la raison, la perspicacité, le sens de la mesure pour faire diminuer en nous les vices de la démesure, du dérèglement, de l’excès ou de la déraison.
« Si l’un de ces hommes en bonne santé, mange sans mesure et sans discernement toute sorte d’aliments, alors son foie est blessé par les diverses humeurs de ces aliments et s’endurcit, si bien que le suc salutaire qu’il devrait envoyer comme un onguent dans chaque membre et dans l’ensemble des organes risque d’être souillé par ces humeurs nocives de toute espèce. »[10]
Le vice de la démesure dit:
« je ne me priverai de rien.…Car toute impulsion de mon corps est mon salut, je fais comme j’ai été crée. »
La réponse du discernement:
«Tous les êtres établis par Dieu se répondent…tous sont soumis à des êtres plus grands et ne dépassent pas leur mesure; toi tu ne considères ni Dieu ni sa création, mais tu marches comme une manche agitée par le vent.
A l’opposé,.., j’examine tous ses secrets (de Dieu) et aucun n’est vide de sens pour moi: je les comprends et je les aime. »
nous replace dans un monde ordonné dont les subtilités de l’organisation nous échappent parce que nos pensées sont encore trop dures et impures. En effet,
« Lorsque les pensées de l’homme n’ont ni une dureté excessive, ni une excessive lubricité, si aussi bien selon l’homme que selon Dieu, dans l’honnêteté des moeurs, elles conservent une composition bonne et décente, elles confèrent le repos au corps par la douceur et elles donnent à la science de l’homme la subtilité. » [11]
3. L’humilité
L’humilité est la vertu à cultiver avec la modestie, la simplicité, l’abaissement pour faire diminuer en nous les vices de l’orgueil, la superbe, l’arrogance, la suffisance, la prétention, la morgue, le dédain, la témérité.
Admettons avec humilité que nous ne remplissons pas les conditions pour recevoir par nous-même, les subtilités des créatures divines qui ont été révélées à Sainte Hildegarde. Et sommes nous bien sur d’avoir compris toute la finesse des liens qui unissent le corps l’âme et les oeuvres?
Pourtant:
« L’homme est pour ainsi dire inhabitable, tant qu’il ne comprends pas ce qu’est le corps, ce qu’est l’âme, ce que sont les oeuvres, tant que l’homme n’a pas encore acquis le discernement dans la juste mesure … »[12]
4. L’obéissance
L’obéissance est la vertu à cultiver avec l’acceptation, la soumission, l’accompagnement, l’agrément, l’écoute pour faire diminuer en nous les vices de la désobéissance, l’insoumission, l’insubordination, la révolte, la rébellion.
Ainsi il nous est tellement difficile d’acquérir la subtilité, que nous devrions faire confiance à Sainte Hildegarde qui affirme qu’il existe des aliments bons et utiles et des aliments nocifs et mauvais:
« Et bien que certains hommes en bonne santé, mangent indifféremment et puissent manger toute sorte de nourriture, ils devraient cependant s’abstenir de certains aliments nocifs, comme fait le chasseur qui laisse aller les bêtes inutiles et capture celles qui sont utiles. »[13]
« Lorsque les humeurs sont provoquées par une maladie ou par des aliments sans valeur et malsains, » [14]
« Lorsque l’homme est irrité par des nourritures qui ne lui conviennent pas et sont nuisibles, et que la vessie est remplie de boissons qui ne lui conviennent pas et sont nuisibles ils apportent aux viscères des humeurs mauvaises. »[15]
Travaillons donc la vertu d’obéissance en respectant les conseils que sainte Hildegarde nous enseignent sur les vertus des aliments utiles pour notre santé, corps et âme.
5. La constance
La constance est la vertu à cultiver avec la persévérance, assiduité, ténacité pour faire diminuer en nous les vices l’inconstance, la versatilité, la lubie, le caprice.
Aujourd’hui, dans notre société de zapping, Sainte Hildegarde nous propose de retrouver une certaine sagesse ancestrale libre de l’influence de personnes à l’égo fort développé qui nous élaborent , publications scientifiques à l’appui, de nouveaux régimes alimentaires révolutionnaires qui ne tiennent pas dans le temps. Pour cela elle exprime très bien l’effet du vice de l’inconstance:
« L’inconstance n’a aucune régularité, ni au début ni à la fin : chargée de nombreux excès, alourdie de nombreuses vanités, elle s’endort dans l’incroyance;… courant ça et la, elle change toutes les vieilles habitudes en nouvelles inquiétudes.
Par un attrait aussi bien spirituel que temporel, l’inconstance transforme les moeurs de certains hommes en l’habitude d’un unique plaisir, tous les autres intérêts spirituels et matériels étant négligés.
Ce vice amène les hommes à se flatter d’avoir une connaissance étendue… »[16]
L’inconstance nous divise intérieurement:
« Lorsque la chair prend le dessus, et que l’esprit donne son accord pour suivre le parti de l’inutile, la bonne science tire son glaive contre la mauvaise et la mauvaise tend ses bâtons contre la bonne. Que l’homme prenne donc garde à ce qui lui est utile. »[17]
Sainte Hildegarde nous invite à faire grandir en nous la vertu de persévérance, en suivant humblement et dans la confiance ses conseils sages qui ont fait leurs preuves dans le temps.
5.La nature de nos aliments influence la santé de l’âme
1.La Joie ou la tristesse
Sainte Hildegarde nous déclare que les aliments sont de nature joyeuse ou triste:
« La terre, avec ses plantes utiles, offre un panorama des fonctions spirituelles de l’homme; mais avec ses plantes inutiles, elle fait apparaitre ses fonctions mauvaises et diabolique….. certaines plantes poussent grâce à l’air et elles sont également pour l’homme légères à digérer et de nature joyeuse, si bien qu’elles rendent joyeux celui qui les mange…mais d’autres herbes sont venteuses parce qu’elles poussent au vent; elles sont sèches et lourdes à digérer, et de nature triste, si bien qu’elles rendent triste celui qui les mange… » [18]
En effet, la tristesse est un vice à transformer en vertu de joie, pour la santé de notre âme
« La tristesse, fait douter de toute consolation, si bien que l’homme ne peut avoir aucune joie, qu’il s’agisse d’espérer en la vie d’en haut ou de se consoler de la vie présente".[19]
« Car la mélancolie exclut la joie du ciel, »[20]
et celle de notre corps
« Si l’homme était débarrassé de l’amertume de la bile et de la noirceur de la mélancolie, il serait toujours en bonne santé. »[21]
6.Conclusion
Il serait donc dommageable à la santé de notre âme, de notre corps et de notre esprit de ne pas gravir l’échelle des vertus aussi dans notre assiette.
Le message de Sainte Hildegarde est donc cohérent, il nous unifie, il nous rappelle que nous ne pourront aller vers le Seigneur qu’en intégrant parfaitement notre finitude dans notre vie spirituelle.
« Ainsi l’âme aime en tout le discernement. Chaque fois que le corps de l’homme agit d’une quelconque manière sans discernement, en mangeant et en buvant, les énergies de l’âme s’en trouvent brisées. Toutes les actions doivent respecter ce discernement: l’homme ne peut toujours s’occuper du ciel. C’est ce discernement que le diable a refusé et qu’il refuse encore, lui qui n’aspire qu’à des hauteurs ou à des profondeurs excessives: aussi ne se relèvera-t-il pas de sa chute »[22]
« Voici ce que cela signifie pour la vie spirituelle : le discernement conforte les oeuvres saintes avec la modération qui convient: de même l’homme contient son corps pour éviter que, trop tendu il n’aille à la ruine. »[23]
Apportons donc dans notre assiette modération, discernement, confiance, constance et joie pour appartenir à :
« la foule d’homme que tu vois au midi, comme un nuage, signifie que la foule des croyants qui ont imité et qui imitent le fils de dieu dans l’ardeur de la justice,… montent et monteront de vertu en vertu…c’est le commencement des commencements. »[24]
Marie Tharreau, praticien Sainte Hildegarde
[1]Extrait du Decret de proclamation de Docteur de l'Eglise; Benoit XVI 7 octobre 2012.
[2]Causae et Curae cosmologie, les harmonies du firmament
[3]Livre des Mérites de la Vie, le mensonge
[4]Livre des Mérites de la Vie, le mensonge
[5] Livre des Mérites de la Vie, 2e partie
[6]Livre des Mérites de la Vie, le mensonge
[7]Causae et Curae ; Anthropologie ; La moelle et son rôle ; L’indigestion
[8] Causae et Curae ; Anthropologie : L’alimentation ; Le mauvais temps de l‘été et la variété des aliments
[9] Livre des Oeuvres Divines, 3e vision ,§13
[10] Causae et Curae ANTHROPOLOGIE, bonne et mauvaise alimentation, L’engorgement du foie
[11] Livre des Oeuvres Divines, 3e vision, §19
[12] Livre des Oeuvres Divines, 5e vision §4
[13] Causae et Curae anthropologie, conception et maladies, La conception en pleine lune
[14] Causae et Curae ANTHROPOLOGIE, bonne et mauvaise alimentation, L’indigestion
[15]Causae et Curae Anthropologie, maladie des viscères, Renflement de la rate
[16] Livre des Mérites de la Vie, l’inconstance, 4e vision
[17] Livre des Mérites de la Vie, l’inconstance, 4e vision
[18]Physica, préface livre des plantes
[19]Causae et Curae, sur les tempéraments, la maladie de la mélancolie
[20] Livre des Mérites de la Vie 5e partie,
[21] Cc Anthropologie, maladies nées des humeurs, Tristesse et colère
[22] Livre des Oeuvres Divines, 4e vision, §27
[23] Livre des Oeuvres Divines, 2e vision §7
[24] Livre des Oeuvres Divines, 7e vision, §10
Questions / Réponses